Tu aimes l’Histoire et tu as bien raison ! Aujourd’hui, je vais te raconter l’histoire de Charles Martel. C’est l’un des plus importants personnages de l’histoire de France car il est à l’origine de la dynastie des Carolingiens, une lignée de rois qui va régner durant deux siècles en Europe.
Regarde d’abord cette frise chronologique : en 476, l’Empire romain disparaît au profit de plusieurs royaumes dits « barbares ». Sous la direction du roi Clovis, les Francs deviennent les plus puissants en s’emparant de la majeure partie du territoire des Gaules. A sa mort, survenue en 511, Clovis ordonne que son royaume soit réparti entre ses fils, ce qui va donner naissance à de nouveaux royaumes, plus petits au nord-ouest la Neustrie, à l’est l’Austrasie, au sud-est la Bourgogne, et au sud-ouest, le vaste duché d’Aquitaine. A ton avis, est-ce une bonne décision ? Sans doute pas car le royaume franc se trouve divisé en plusieurs territoires dont les rivalités entraînent des affrontements et, par conséquent, affaiblissent la monarchie franque.
Les choses s’améliorent sous le règne des rois Clotaire II et son fils Dagobert qui parviennent à réunir tous les royaumes francs sous leur autorité. Cependant, les vieilles rivalités entre territoires ou entre prétendants au trône continuent d’affaiblir l’autorité royale. Pour tenter d’y remédier, les rois mérovingiens abandonnent une grande partie de leur pouvoir aux seigneurs qui les entourent. La noblesse obtient ainsi des responsabilités militaires, des domaines à administrer ou des postes de conseiller à la cour comme celui de maire du palais.
A l’origine, le maire du palais est un simple intendant qui agit au nom du roi. Mais après le règne de Dagobert, le maire acquiert de plus en plus de pouvoirs il rend la justice, mène les armées au combat et gère les finances du royaume. En tant que descendant de Clovis, le roi mérovingien conserve son titre mais en réalité, il n’a plus aucune autorité. D’où l’image qu’ont laissé les derniers rois mérovingiens, à savoir celle de « rois fainéants ».
Au début du VIIIème siècle, la famille de Charles Martel est déjà très influente. Son père, Pépin de Herstal, maire du palais d’Austrasie, est parvenu, vers 690, à placer les royaumes de Neustrie et de Bourgogne sous son autorité. A la mort de Pépin, Charles reprend le flambeau, écrase ses rivaux en 717 et devient à son tour maire du palais d’Austrasie. Puis, il triomphe de ceux qui s’opposent à son autorité en Neustrie et en Aquitaine.
Malgré ces succès, Charles n’est pas disposé à renverser officiellement la dynastie mérovingienne qui jouit encore d’un prestige important au sein des royaumes francs. Cherchant vraisemblablement à gagner l’appui de l’Église chrétienne, très influente à l’époque, il lance des expéditions militaires au nord et à l’est de l’Europe contre les peuples encore païens comme les Frisons ou les Saxons.
Mais une autre menace va servir ses ambitions. Portés par l’Islam, cette religion venue d’Orient, les Arabes, aussi appelés Sarrasins, conquièrent progressivement tout le sud du Bassin méditerranéen. A l’extrémité de ce bassin, ils envahissent même l’Espagne où ils remportent en 711, une victoire définitive sur les Wisigoths qui s’y étaient installés trois cents ans plus tôt.
Sous l’autorité d’un seigneur que les Arabes appellent le calife, les Sarrasins lancent des expéditions au-delà de la chaîne montagneuse des Pyrénées. Cette frontière les sépare de l’Aquitaine, la Septimanie et la Provence, riches provinces dont ils attaquent les cités comme Narbonne ou Bordeaux. Le duc Eudes, seigneur d’Aquitaine, sait que ses seules forces ne sont pas de taille à s’y opposer. C’est pourquoi, bien que l’Aquitaine ait toujours veillé à rester indépendante, il se décide à demander l’aide de Charles, désormais maire du palais des trois royaumes francs du nord.
Pendant ce temps, les Arabes ont poursuivi leurs attaques et se sont emparés d’un lourd butin qui ralentit leur armée. Celle-ci est finalement rattrapée aux alentours de Poitiers par les troupes franques de Charles et du Duc Eudes. C’est là qu’en octobre 732 a lieu la célèbre bataille au cours de laquelle la fureur de Charles lui vaut le surnom de « Martel » ou marteau en vieux français. Si la victoire des Francs est incontestable, le sud de la Gaule n’est définitivement débarrassé des Sarrasins qu’une dizaine d’années plus tard, la domination arabe se voyant alors limitée à la péninsule ibérique.
A la mort du dernier roi mérovingien Thierry IV en 737 et malgré la renommée qu’il a acquise par sa victoire sur les Arabes, Charles Martel refuse la désignation d’un nouveau roi. Fort du soutien de l’Église et de son autorité sur l’aristocratie militaire, il gouverne donc le pays… sans roi Toutefois, il prend soin de préparer sa descendance en faisant participer à l’exercice du pouvoir ses deux fils, Carloman et surtout Pépin dit le Bref. Bien que Charles n’ait donc, jusqu’à sa mort en 741, jamais porté la couronne, son action au service de l’unité et de la protection des royaumes francs a préparé le transfert du pouvoir royal de la dynastie mérovingienne à celle des Carolingiens.
Finalement, que dois-tu retenir à propos de Charles Martel ?
- Les rois mérovingiens n’arrivent pas à restaurer l’ancien royaume de Clovis et abandonnent progressivement leurs pouvoirs au profit de la noblesse.
- Le maire du palais apparaît comme le personnage le plus puissant du royaume, bien plus que le roi puisqu’il concentre tous les pouvoirs : économique, militaire, administratif.
- L’un d’entre eux, Charles Martel se révèle habile politique, grand administrateur et redoutable guerrier. Il parvient à unifier et même à étendre les royaumes francs sous son autorité.
- Après la bataille de Poitiers où il l’emporte sur les Sarrasins en 732, Charles acquiert un prestige suffisant pour refuser la nomination d’un nouveau roi et régner seul. C’est la fin des Mérovingiens.
Après la mort de Charles, son fils, Pépin le Bref, attend encore dix ans avant de se faire élire roi. Avec lui le royaume des Francs met à sa tête une nouvelle dynastie, celle des Carolingiens dont sera issu un certain Charlemagne. Mais ceci est une autre histoire !